Le Mérite n’existe pas Ou comment militer pour des courses d’ânes à Longchamp.

Paul Camellina
6 min readDec 4, 2018
Longchamp 2030 AD

Introduction

Lorsque l’on a une idée il faut l’assumer pleinement, totalement et aller au bout. Le mérite est mort, vive le mérite. Ou plutôt il n’a jamais existé en réalité. Lecteur, tu es le produit de ton milieu social. Tes talents tu les as soit hérités (et donc tu n’en es pas à l’origine) soit c’est ton milieu social (au sens large c’est à dire tes rencontres, ta famille etc…) qui t’on aidé à les développer. Ton travail et ta besogne ne sont que le résultat de ton immersion dans ta strate sociale. Ainsi il n’y a pas de différence fondamentale (en terme de mérite) entre toi, qui a cultivé tes talents, et celui qui n’a pas réussi car il n’avait simplement pas la bonne classe sociale et pas les bons talents hérités; alors pourquoi as tu plus si tu ne mérite pas plus? Et puis souligner ton mérite supposé ce serait donc souligner le démérite des autres, et ce serait vilain. Pour aller au bout, je pense que les gens qui soutiennent cette thèse devraient militer pour qu’il y ait des courses d’ânes à Longchamp car ces chevaux de race qui ont été entraînés et nourris avec le plus grand soin n’ont pas de mérite non plus et il est grand temps de laisser place à ceux qui ont été défavorisés dès la naissance : les ânes. Il faut donc militer pour qu’il y ait des courses d’ânes à Longchamp et, tant qu’à faire, qu’il y ait aussi des ânes à l’X.

Comme souvent, je regardais l’émission Interdit d’interdire du 19/11/2018 sur RT présentée par Frédéric Taddeï. Le thème était la méritocratie. Cette thèse était avancée dans l’émission. Nous avons tout de même eu droit à un débat d’une heure dans lequel ont été complètement éludées les questions de travail à fournir ainsi que de la précocité intellectuelle.

Qu’est ce que le mérite?

Tout d’abord il convient de se demander ce qu’est le mérite.

Mérite : Ce qui rend quelqu’un (ou sa conduite) digne d’estime, de récompense, eu égard aux difficultés surmontées. (Larousse).

Mériter : Valoir quelque chose. Être en droit, par sa conduite, de jouir d’un bien, d’un avantage ou de s’exposer à tel mal, à tel inconvénient, à telle sanction.

On voit donc que le mérite n’est pas une qualité en soi, c’est l’appréciation des autres, leur estime tandis que mériter renvoie à tout autre chose. Mériter c’est une valeur en soi ET être en droit de jouir de quelque chose. Donc sans mérite, nous n’avons pas le droit de jouir de ces choses indûment perçues? Donc ces choses ne nous reviennent pas et ne devraient pas nous appartenir? Attention lecteur, un pas de plus et nous tomberons dans l’abîme du communisme.

Une question à poser est : comment notre société évalue t-elle le mérite? Par les diplomes? Par l’argent et les récompenses fournies par l’économie de marché? Mais je la laisserai en suspens car ce n’est pas l’objet de l’article.

La thèse : Le mérite n’existe pas

Aujourd’hui la méritocratie française n’est plus, les privilèges sont de retour car ce sont les “fils de” qui réussissent scolairement. C’est bien connu, les personnes issues de classes sociales aisées ont plus de chances d’obtenir un diplôme niveau master, les fils de professeurs aussi et les rangs de l’ENA sont peuplés des fils des plus riches familles françaises. Et comme la réussite scolaire détermine grandement la réussite sociale surtout en France, cqfd. C’est un problème, je ne le nie pas. Or il y a une différence entre soulever ce problème et suggérer que le mérite n’existe pas pour critiquer ce problème et développer des solutions.

Au cours de cette émission, diverses thèses du même acabit ont été avancées. Florilège :

Chantal Jacquet nous dit que le mérite récompense des qualités et que ces qualités pourraient être illusoires. Nous pourrions lui demander s’il ne récompense pas plutôt des actes qui eux pour le coup sont tangibles. Elle continue en citant Saint Paul pour dire que les dons que l’on reçoit ne sont pas source de mérite car ils sont justement reçus : “Car qui est-ce qui te distingue? Qu’as-tu que tu n’aies reçu? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l’avais pas reçu?”

Elle continue sur l’idée qu’accomplir quelque chose est déjà un mérite en soi et qu’il ne faudrait pas sur récompenser une action.

Nier le mérite — Ses conséquences

Bien sur que le milieu social est hérité et que certains talents sont possédés de naissance. Bien sur que cela enlève du mérite à la personne qui a réussi grâce à son milieu social. Or je vous convie à l’expérience de pensée suivante : prenons deux jumeaux monozygotes intelligents Luc et Louis, qui ont donc le même milieu social et supposons qu’ils soient nés dans une famille très aisée. Luc est travailleur mais Louis est fainéant. Si Louis échoue c’est de sa faute, car il n’aura pas travaillé la responsabilité lui incombe. Or, selon la thèse ci dessus, si Luc réussit il n’a aucun mérite donc la responsabilité ne lui incombe pas. Deux poids, deux mesures.

Mon idée ici est que même si le milieu social et les talents ont un rôle dans notre mérite, le travail acharné qu’un taupin de prépa, qu’un artisan, qu’un artiste fourni doit être souligné et rien que pour cette abnégation ils ont du mérite. Un don ça s’utilise et ça se travaille, et ceux qui font cet effort ont du mérite.

Supprimer l’idée de mérite a beaucoup de conséquences.

La première est que l’idéologie qui en découle est un socialisme total, socialisme signifie ici “le comportement d’un individu s’explique entièrement par son milieu social”. Donc un déterminisme.

Le mérite est essentiel au psychisme humain, pour deux raisons principales. Une raison avant l’épreuve qui engendrerait du mérite et une ensuite.

La raison avant l’épreuve est la suivante. Le mérite fait partie d’une dynamique humaine. Dire qu’il n’existe pas c’est supprimer un ressort humain essentiel : la carotte. En effet le mérite est une récompense, même intangible. Ce sont des efforts fournis pour une récompense physique et morale qu’elle induit (le mérite). Le supprimer c’est casser cette dynamique.

La raison après l’épreuve est qu’ignorer le mérite ce serait ignorer les peines et les difficultés que l’épreuve aurait engendré. Donc le travail et la souffrance de l’individu.

Donc l’idée d’un déterminisme total, qu’elle soit vraie ou fausse, est néfaste à l’homme car contraire à ses mécanismes psychiques. Le mérite se doit donc d’exister, pour le bien de l’Homme.

Au delà de ces raisons philosophiques on peut simplement dire que quelqu’un qui travaille ses dons, fournit un effort et se dépasse a du mérite. Une part de son mérite ne lui revient pas, elle revient à ses parents, son entourage et à Dame Chance également mais il a tout de même le droit à une part du gâteau.

Objectifs Nobles — Conclusions de dégénérés

Je ne doute pas un instant que les intervenants de ce débat (tout comme Camarade Staline) luttent en pleine conscience pour l’objectif noble qu’est l’égalité d’opportunité pour tous et que chacun puisse se réaliser dans notre société. Ils aboutissent néanmoins, à croire que c’est une tare du gauchisme, à un résultat néfaste pour l’humanité.

Est il possible de faire une société dans laquelle, peu importe notre provenance sociale, nous avons l’égalité d’opportunités et nous pouvons nous réaliser pleinement? C’est le rêve anarchiste de Marx. Il faudrait que dans chaque corps de métier, ou du moins dans les études supérieures, les corps sociaux soient représentés proportionnellement à la part de population qu’ils représentent. Petit détour pour noter une question soulevée ici, cela suppose qu’il y ait la même proportion de gens intelligents dans chaque partie du corps social, or la logique la plus basique nous ferait penser que les gens intelligents enfantent des enfants intelligents, sachant que les intelligents ont plus de chance de réussir socialement alors les classes supérieures seraient plus intelligentes. Mais il se trouve que même s’il y a une part génétique dans l’intelligence (je parle de QI ici) il y a également une part d’aléatoire non négligeable. Donc je dirais qu’il y a sensiblement la même proportion de gens intelligents dans toutes les strates du corps social.

Ce sont les méthodes d’évaluation et d’enseignement (aussi bien aux élèves qu’aux profs) qu’il faut modifier pour encourager les élèves à étudier, susciter l’intérêt et favoriser la détection de qualités autres qui aideraient l’enfant à mieux s’orienter. Cette réforme des méthodes d’évaluation doit garder deux objectifs en tête : évaluer correctement la forme et la force de l’intelligence de l’enfant et donc ses domaines d’application potentiels ainsi que l’utilité qu’il pourrait avoir à la société car gardons à l’esprit que l’individu doit trouver une sens à ses compétences en société.

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