Le RIC : une nécessité démocratique

Paul Camellina
8 min readFeb 16, 2019

Dans une série d’articles je vais essayer d’analyser la structure politique française, aussi bien au niveau des institutions constitutionnelles (Présidence de la République, Assemblée Nationale, comment une loi est elle préparée? etc…) qu’au niveau des institutions politiques (partis politiques etc…) pour déterminer si nous sommes vraiment en démocratie, quels sont les verrous qui empêchent l’expression de la volonté du peuple, où se situent ils et enfin proposer des solutions à ces problèmes. Car, à mon avis, les Gilets Jaunes et à travers eux la majorité du peuple français, rejette en bloc le système actuel, exige plus de démocratie et un lien direct entre le citoyen et la politique.

Liens vers les autres articles de la série :

Le problème du Quinquennat — Fusion du législatif et de l’éxecutif.

Pouvons nous exprimer notre opinion en France? Pouvons nous proposer des idées politiques?

Introduction :

Bonjour à tous, dans cet article je vais discuter de plusieurs questions et essayer de prouver pourquoi le RIC est un outil démocratique nécessaire pour la société française. Nous allons tout d’abord nous interroger sur la démocratie, puis sur les programmes politiques et leur adéquation avec les idées de ceux qui ont voté pour le candidat qui les porte pour enfin parler de la tyrannie de la majorité et de l’utilité du RIC pour que la volonté du peuple puisse s’exprimer. Pour ce raisonnement j’emprunterai des éléments à Tocqueville et Rousseau.

Démocratie:

Étymologiquement ce mot signifie “le pouvoir du peuple”. Cette idée de pouvoir du peuple a plusieurs signification.

Le coeur de cet article réside dans la notion de démocratie. On peut voir la démocratie de deux façons (c’est Tocqueville qui nous dit ça dans De la démocratie en Amérique) comme un régime politique (le pouvoir au peuple) ou d’une façon sociologique, une considération de la société et des citoyens. Il faut bien comprendre que la démocratie est une façon de concevoir le pouvoir, la nation, le peuple et son rapport au pouvoir. La raison pour laquelle il y a tant de démocraties avec des constitutions si différentes dans le monde est à la fois historique mais aussi que le rapport d’un certain peuple au pouvoir et à la démocratie façonne l’aspect que prendra sa démocratie (à l’aune du contexte historique qui la verra naître). On voit par exemple que la société américaine met plus d’importance dans la valeur de Liberté alors que la France insiste sur l’Égalité. Une question que nous pouvons donc nous poser est : quelle est la forme que devrait revêtir la démocratie française?

Une question que nous devons nous poser maintenant est : qu’est ce qui doit être démocratique? Un régime politique ou une société? Évidemment la société et à travers elle le régime doivent être démocratiques. Mais une société peut elle être démocratique uniquement à travers ses institutions politiques?

La Tyrannie de la majorité :

“ Qu’est-ce donc qu’une majorité prise collectivement, sinon un individu qui a des opinions et le plus souvent des intérêts contraires à un autre individu qu’on nomme la minorité ? Or, si vous admettez qu’un homme revêtu de la toute-puissance peut en abuser contre ses adversaires, pourquoi n’admettez-vous pas la même chose pour une majorité ? Les hommes en se réunissant, ont-ils changé de caractère ? Sont-ils devenus plus patients dans les obstacles en devenant plus forts ? Pour moi, je ne saurais le croire ; et le pouvoir de tout faire, que je refuse à un seul de mes semblables, je ne l’accorderai jamais à plusieurs.”

Tocqueville — De la démocratie en Amérique

Tocqueville a écrit en 1845 De la démocratie en Amérique dans lequel il a fait le constat suivant : une fois qu’une majorité a été élue alors elle décide pour toute la population. Ainsi, une fraction de la population décide pour le tout. Tocqueville pointait alors que cette majorité pouvait oppresser n’importe quelle minorité. Il préconisait alors que des corps intermédiaires se développent pour que les minorités puissent s’associer, faire entendre leur voix et faire valoir leurs droits.

Il disait donc qu’une société ne peut être vraiment démocratique qu’avec ses institutions politiques mais qu’il fallait des corps intermédiaires pour que la volonté des minorités puisse se faire entendre.

En effet dire que seules les élections sont démocratiques implique plusieurs choses : d’abord c’est penser que l’avis du peuple n’importe et n’est audible que dans certaines conditions à un moment donné c’est à dire au moment des élections. Ce qui est évidemment faux car une manifestation, un débat, des réflexions sont des expressions démocratiques. De même que des associations aussi bien sociales (homosexuels, pour les banlieues, pour les femmes battues etc…) que politiques (partis et autres) ont leur mot à dire, le peuple doit aussi être entendu. On pourrait aussi pointer du doigt que les lobbyistes ont accès à l’Assemblée Nationale et au Sénat tandis que les revendications de ces mouvements populaires ont beaucoup plus de mal à être audibles de nos chers représentants alors que les mouvement populaires représentent bien plus de gens en nombre.

Mais il ne faut pas s’étonner ni même s’offusquer que Macron et le gouvernement nous répétent à tue tête “la démocratie n’est pas dans la rue” car toute institution a tendance à vouloir usurper la volonté générale, à vouloir se survivre (continuer à exister) et à sauvegarder les institutions qui l’ont mis en place. Rousseau en parlait déjà dans Le Contrat Social.

Dans le raisonnement précédent il était supposé que la majorité était soudée autour d’un programme, mais l’est elle autour de la totalité du programme?

Une tyrannie d’une fausse majorité :

On pourrait aller plus loin que Tocqueville et compléter sur un point. Je vais soulever un fait en te posant une question cher lecteur : as tu déjà voté pour un candidat avec lequel tu étais d’accord sur 100 % de son programme? Très probablement non, il y avait au moins un ou plusieurs points de désaccord. C’est ce qui me fait dire que voter c’est faire des concessions, voter c’est choisir parmi tes opinions : lesquelles vas tu privilégier et lesquelles vas tu mettre de coté? Et ce n’est pas exprimer ton opinion. Car tu dois en renier quelques unes (les points de désaccord avec le programme du candidat pour lequel tu vote).

Pourquoi ne pas pouvoir choisir entre différentes parties de différents programmes pour faire un assemblage qui ressemble plus à l’opinion du votant.

Et tu ne peux choisir que parmi les propositions existantes : tu ne peux pas proposer (objet de mon article : ). La belle affaire! Il suffirait alors que les partis évitent certains sujets qui fâchent ou que les partis principaux taxent les autres “d’extrêmes” pour certaines positions (quitter l’UE, taxation des riches, immigration par exemple) pour que certaines idées soit disqualifiées d’office et ne puissent pas entrer dans le débat public.

Tout ça pour dire que cette majorité élue n’est même pas soudée à 100% derrière un programme. Ainsi, dire que tout le programme d’un président de la république est légitime car il a été élu est faux, certains points n’ont pas fédéré les masses.

Et dans le cas de Macron, étant donné le cadre de son élection, du support de la presse qu’il a reçu, de son impopularité et du mouvement des gilets jaunes, nous pouvons légitimement penser que son programme n’a pas fédéré.

Donc ces expressions de l’avis du peuple à travers ces manifestations, ces corps intermédiaires ou le RIC sont à prendre en compte.

Mais que sont ces corps intermédiaires et fonctionnent t’ils encore en France?

Des grands corps intermédiaires malades :

Tout d’abord : quels sont ces corps intermédiaires en France? Nous parlons ici des contre pouvoirs non institutionnels donc les médias, les syndicats, les associations.

Ces corps intermédiaires qui, fut un temps, ont réussi à porter les revendications du peuple et à se faire entendre du gouvernement ont aujourd’hui un effet amoindri sur le pouvoir.

Pendant longtemps en France nos corps intermédiaires fonctionnaient d’une façon assez empirique : il y avait des manifestations pendant plusieurs mois pour qu’une réforme du gouvernement soit modifiée ou annulée. Mais nous pouvons pointer ici deux limitations de ce processus : la première est qu’il est uniquement une réaction, bien que les syndicats soumettent au gouvernement des propositions pour modifier la loi ou réforme en question c’est toujours en réaction d’une action gouvernementale, les corps intermédiaires ne font donc pas de proposition de loi. La seconde limitation est simplement que le gouvernement peut ne pas plier.

Le RIC solutionne ces deux problèmes en légitimant le résultat par un vote et en permettant aux citoyens de faire des propositions.

Pour se convaincre que les contres pouvoirs se sont affaiblis en France il suffit de constater qu’au niveau des syndicats et des associations, le nombre d’adhérant est assez faible et que les lois travail ou encore que la réforme de la SNCF sont passées.

Les médias quand à eux sont possédés en majorité par des milliardaires (10 milliardaires détiennent 89.9% des journaux vendus, 55.3% des parts d’audience TV, 40.4% des parts d’audience radio) et le médias publics se mettent aussi à défendre l’action gouvernementale sans prendre aucun recul. Ils ne font donc pas office de contre pouvoir, au contraire.

La preuve de ce désagrégement de ces corps intermédiaires est simplement l’existence du mouvement des gilets jaunes qui est apolitique, sans représentants, fustigé dans les grands médias et sur lequel les syndicats n’ont aucune emprise.

Mais une question que nous pouvons nous poser est : faut-il se reposer sur le bon-vouloir du gouvernement pour que des revendications du peuple se fassent entendre? Faut il attendre que le gouvernement cède après des mois de manifestations pour qu’une mesure soit modifiée ou abrogée? C’est à dire : s’en remettre à un processus aléatoire?

Le RIC : un outil indispensable pour que le peuple puisse agir hors des élections

Nous avons donc vu qu’un état ne peut être démocratique uniquement par ses institutions : il a besoin de corps intermédiaires pour que l’avis du peuple puisse s’exprimer et ce pour quatre raisons :

  1. Tyrannie de la majorité
  2. Le gouvernement aura tendance à vouloir se survivre
  3. Le peuple ne peut exprimer sa volonté qu’au moment des élections
  4. Cette volonté exprimée au moment des élections n’est pas l’exacte volonté du peuple car personne n’est 100% d’accord avec le programme pour lequel il a voté.

Cet avis du peuple qui s’exprime, cette action de la société sur les instances politiques hors des éléctions sur des sujets précis pourrait s’opérer à travers le RIC. Plus besoin du bon vouloir du gouvernement ou d’une quelconque instance politique pour qu’un sujet soit discuté ou contesté. Enfin le pouvoir de renvoyer des membres pourris du corps politique.

Un autre avantage du RIC est la légitimisation qu’il donnera à certaines questions et surtout au résultat qu’il produira. Les hommes politiques ne pourront plus balayer du revers de la main certaines questions et si le peuple français vote contre la privatisation de certains acquis de l’État alors la classe politique ne pourra plus ignorer ces désirs du peuple.

Au delà des considérations théoriques nous pouvons voir aussi cette revendication qui émane d’un mouvement, les gilets jaunes, constitué de gens qui avaient abandonné le domaine de la politique, qui ne croient plus en ces mêmes institutions comme un sursaut démocratique de la population française. Ils se sentaient exclus de la vie politique, sans emprise sur elle et ce RIC représente un nouvel espoir pour qu’ils puissent enfin avoir la parole.

Le RIC n’est pas une invention française : il existe déjà dans un pays qui nous est limitrophe : la Suisse. Loin d’être un pays autoritariste ou même replié sur lui même la Suisse fait exception dans l’Europe.
Je vous suggère de lire l’article de Mr Mondialisation au sujet du RIC en Suisse qui est très complet et informatif.

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