Monarchie présidentielle : réalité politique ou cache misère?

Paul Camellina
5 min readJul 1, 2022
La classe politique française

Les deux mon capitaine! Vous avez du forcément entendre cette expression soit dans la bouche d’un commentateur politique soit venant d’un homme politique (notons que la gauche LFI l’apprécie particulièrement pour avancer l’idée d’une 6é république, sous entendant que la monarchie est forcément une mauvaise chose dans la droite lignée de la gauche républicaine, ces internationalistes doivent avoir l’outre Manche dans un angle mort excusez les).

Ma théorie est que d’abord cette expression nous trompe sur les réels pouvoirs du Président de la république et du premier ministre en nous faisant croire que comme Louis XIV il a tous les droits alors que c’est loin d’être le cas. Et qu’ensuite elle n’est le résultat que de deux phénomènes concomitants : le quinquennat et l’appartenance de la France à l’Union européenne.

Le Quinquennat : l’hyperprésidentialisation de la 5é république.

Un peu d’histoire pour commencer : c’est en l’an de grâce 2000 que Jacques Chirac premier nous fit voter un référendum sur le quinquennat qui passa d’une courte tête de sorte que maintenant le Président de la république soit élu tous les 5 ans au lieu de 7. Ce changement anodin s’est révélé crucial : il calque la durée du mandat présidentiel sur celui des députés et fait l’élection présidentielle se tenir 2 mois avant l’élection législative. Depuis cette élection il n’y a jamais eu de cohabitation, je pense d’ailleurs que nous n’en verrons plus jamais pour preuve mais nous verrons si le futur proche me donne tort.

C’est pourquoi je parle d’hyperprésidentialisation de la 5é république : l’élection présidentielle éclipse progressivement toutes les autres. Une conséquence est que la vie politique ne se centre plus sur les idées ou les partis mais sur les personnages. On en a l’exemple à tous les bords politiques.
La gauche, dans le cadre de l’alliance NUPES ne s’est pas réunie autour d’un programme mais de la perspective d’avoir la majorité à l’assemblée nationale résumée sous la forme “d’élire Mélenchon premier ministre”.
La macronie a du mal, même après un mandat, à définir sa matrice idéologique. Le président sortant n’a ni fait campagne pour la présidentielle ni pour les législatives. Les débat ont été réduits au strict minimum et le seul argument avancé était celui du centre raisonné face aux extrêmes (alors que la façon de gouverner de Macron est elle même autoritaire, l’affaire Benalla parmi d’autres suffit comme preuve).
La droite a vu l’émergence de Zemmour avec un parti centré autour de sa personne et des médias dans sa poche (Cnews et Valeurs Actuelles), comme Macron en son temps. Pendant ce temps Marine le Pen ne mentionne ni son nom de famille ni son parti sur ses affiches : “Marine présidente”, “Marine femme d’état”. A croire qu’elle voudrait faire oublier quelque chose.

Le problème d’une telle situation est qu’elle provoque une atrophie du débat public (et du cortex frontal) français, d’un débat d’idées on passe à un débat de postures sur tel ou tel sujet d’actualité, phénomène accentué par une classe journalistique incapable de laisser un homme politique parler plus de 20 secondes sans l’interrompre ni de prendre 5 secondes pour poser une question qui n’appelle pas à une vision manichéenne du monde.

A l’ère de Twitter et des médias sociaux l’hyperprésidentialisation centre le débat sur des personnes et leur dernière sortie, commentaire ou prise de position. Qui aurait prédit que Voici, Gala, Paris Match et consorts passés, maître dans l’art du décorticage du non événement, seraient le futur du journalisme ainsi que de la pensée politique?

Une vie politique centrée sur le président de la république ou les candidats à la présidence de la république invisibilise les seconds couteaux. Le premier ministre, lui même issu d’un parti fantoche sans colonne vertébrale (Édouard Philippe et Jean Castex en sont l’image même) n’a donc pas l’appui politique nécessaire pour faire contre poids ou simplement infléchir la ligne présidentielle.

L’Union européenne : un rétrécissement du pouvoir politique qui fait que le président et le premier ministre se marchent sur les pieds

Cette idée de “Monarchie présidentielle” est aussi un miroir aux alouettes : le président serait un monarque absolu, concentrant tous les pouvoirs, prenant toutes les décisions, éclairé comme Louis XIV qui aurait tous les droits sur la vie politique française, dont la seule limite serait peut être le droit de cuissage.

Rien n’est plus faux, l’Union Européenne restreint le champ d’action des gouvernements nationaux sur plusieurs domaines.
Économique : le marché unique interdit toute taxation aux frontières, idée qui est dorénavant hors du champ du raisonnable ce serait nationaliste, rétrograde et similaire à la Corée du Nord (nous avons pourtant un voisin beaucoup plus proche qui pratique la taxation aux frontières : la Suisse); les accords économiques sont négociés conjointement avec les autres membres, CETA(Canada) MERCOSUR(Amérique du sud); une taxation du capital uniforme pour les pays membres, la flat tax en est l’exemple parfait.
Monétaire : c’est la BCE qui décide de la politique utilisée sur l’euro et il nous est impossible de dévaluer la monnaie.
Social : L’Union Européenne organise une convergence des normes sociales des pays membres (la cible étant un modèle similaire à celui des USA c’est à dire une libéralisation du marché à outrance) qui se traduit systématiquement par une coupe des budgets sociaux en France (le fameux “état obèse”, dites non au fat shaming, dites non à cette expression). Ainsi les politiques en France ne se demandent pas “quelle politique sociale pour la France?” mais plutôt “où vais je couper en premier? Les retraites? L’assurance chômage?”. Notons que les assistés sont toujours les pauvres car recevoir de l’argent de l’état quand on est riche c’est malin (optimisation fiscale et CICE en tête).
Extérieure : Fiers d’être français nos élites ont repris la formule “Je pense donc je suis” mais avec une légère modification, “suis” n’est plus être mais plutôt suivre (les USA ou l’Allemagne, c’est selon). Les exemples sont foison, que ce soit la Syrie ou l’Ukraine, le dernier non alignement en date était celui de Chirac avec la guerre en Irak, depuis carpette.

Le champ d’action des hommes politique s’étant réduit il est normal que le président semble toucher à tout alors qu’en fait il n’a plus aucun controle sur notre politique nationale.

Mais alors pourquoi nous faire croire à la Monarchie présidentielle?

Les complotistes diraient que c’est pour finir de salir l’idée d’une monarchie française. Je pense plutôt que c’est simplement par fainéantise intellectuelle d’une classe journalistique lobotomisée et opportunisme d’une gauche pour laquelle tous les arguments sont bons pour essayer de vendre son programme (notons le désir d’une fin de monarchie présidentielle mais le culte de la personne de JLM c’est différent, rien à voir). Également pour essayer de faire croire que nous sommes encore en démocratie mais les français ont compris depuis longtemps que nous ne le sommes plus, il suffit de voir l’abstention.

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